Jour 4 – Le Gros Têt

«Nous n’arrêtons pas de faire de la randonnée parce que nous vieillissons – Nous vieillissons parce que nous arrêtons de faire de la randonnée.»

Finis Mitchell

Le Gros Têt 〉 2613 mètres 〉 18 km

Ce matin, en franchissant la porte de la maison, un déluge d’eau s’abattit sur nous. Au lieu de marcher jusqu’à notre point de départ – comme nous en avons l’habitude – nous nous engouffrons dans la voiture. Nous parcourons les 1,5 km qui sépare notre hameau (Les Terrasses) pour rejoindre Le Chazelet, point de départ de plusieurs randonnées.

Ce matin, malgré le temps maussade, nous désirons atteindre le Gros Têt qui culmine à 2613 mètres. Nous l’avions fait lors d’un voyage précédent et en avons conservé un bon souvenir. Voici ce que le guide de la région en dit:

«Le Gros Têt est le point culminant du plateau d’Emparis. Situé à 2613 mètres, ce gros mamelon nommé aussi cime du Rachas offre un panorama à 360 degrés sur les Alpes. On y découvre le massif des Grandes Rousses, le Goléon et bien entendu tout le versant Nord du Parc national des Écrins. Ce sommet est aussi un grand classique d’hiver pour les amateurs de ski de randonnée».

Nous nous mettons en route sous un crachin tenace. Les vues sont bouchées, on ne voit guère plus loin que le bout de notre nez. Nous connaissons les paysages que ces nuages et ce brouillard refusent de nous dévoiler.

Infatigables optimistes, nous tentons de voir le bon côté des choses.

– «Cette pluie, elle a l’avantage de nous rafraîchir…

– Mais, il fait déjà froid…

– L’avantage avec la pluie, c’est qu’on a que lever la tête vers le ciel et d’ouvrir la bouche pour s’abreuver…

– …»

L’ascension est longue, elle s’effectue en grande partie en traversant des alpages et des prés en pleine floraison. À chaque kilomètre, on ajoute 100 mètres de dénivelé. Costaud. En un seul clignement des yeux, on passe du vert des prairies à des zones rocailleuses… puis viennent les névés, ces accumulations de neige qui peut perdurer en dessous de la limite de neiges éternelles et ce même pendant une partie de l’été. Elles peuvent être à l’origine d’un glacier.

Alors qu’il reste qu’un ou deux kilomètres à parcourir avant d’atteindre le sommet, nous croisons un jeune couple de Français. Ils se questionnent à savoir si on parviendra à atteindre le sommet si tôt en saison. Les névés risquent d’en décider autrement.

On les aperçoit ces amas de neige qui résistent… On a de la chance, on arrive à les contourner, ça nous allonge un peu, mais rien de trop grave. Nous atteignons le sommet et profitons de la vue en faisant des tours sur nous-mêmes, tournoyant sur 360 degrés pour nous enivrer du décor.

Puis nous nous engageons dans la descente.

Il reste une douzaine de kilomètres à parcourir. Le soleil se pointe le bout du nez. Nous retirons une couche. Ses rayons réchauffent nos avant-bras et nos visages, le vent s’essouffle. Nous aussi.

Après les névés, ce sont les torrents qui nous bloquent le passage. Alors que nous longeons le tumultueux cours d’eau à la recherche de quelques pierres pas trop distanciées qui nous permettrait d’enjamber le torrent, moi et Jean-Luc sans vraiment nous en apercevoir, prenons une orientation différente. Je m’entête et continue mon chemin à la recherche d’un passage. Trop risqué. Devrais-je retirer chaussures et chaussettes et traverser pieds nus? Pas envie. Je m’entête et poursuis. Enfin! Je trouve un passage! Je saute sur une première pierre, je tente de garder l’équilibre, puis je fais un saut jusqu’à une deuxième pierre, celle-ci est glissante, elle me fait perdre pied, je me ressaisis et je saute jusqu’à la dernière pierre où je trébuche. Les deux pieds à l’eau… Ça séchera.

Léger détail. Dans mon entêtement à trouver un passage, je n’ai pas remarqué que les champs qui se trouvaient de l’autre côté de la rive avaient laissé leur place à une falaise. Il ne me reste qu’à tenter de la gravir pour rejoindre la prairie.

Ces paroles de Jean-Louis Murat me reviennent à l’esprit.

Je voudrais me perdre de vue
Ignorer la fleur et le gant
Pouvoir regagner la Prairie
Avant la tombée de la nuit

Je l’aurai regagné bien avant la tombée de la nuit.

Je rejoins Jean-Luc, qui assit un beau milieu d’un troupeau de moutons et de chèvres, avale son lunch. Deux chiens bergers sont aux abois alors qu’une chèvre farfouille dans son sac à dos.

Le retour vers le hameau se fait tout en douceur.

Les photos sont en ordre chronologique, les légendes sont au bas.

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